EGAlim dans les établissements de santé : quelles obligations ?
Contexte
La restauration collective représente près de 4 milliards de repas servis par an dans plus de 90 000 cantines, d’hôpitaux, d’EPHAD, d’entreprises, dans le privé comme dans le public en France.
Agir sur la composition des assiettes est un levier fort pour améliorer l’impact sur notre santé et sur l’environnement tout en influençant positivement les filières d’agriculture biologique et de qualité.
Le cadre réglementaire a fixé des objectifs en termes de qualité de produits, de substitution du plastique, de diversification des protéines, de réduction du gaspillage, et d’information des convives.
La loi EGAlim (2018) et la loi Climat et Résilience (2021) encadrent la qualité des produits achetés entrant dans la composition des repas servis en restauration collective du secteur public et des établissements du secteur privé (article L. 230-5-1 du Code Rural et de la Pêche Maritime). Les repas doivent comporter, à partir de l’année 2022, au moins 50 % de produits de qualité et durables dont au moins 20 % issus de l’agriculture biologique ou en conversion pour les cantines en France continentale.
Ces taux (en %) sont calculés à partir de la valeur HT en euros de la somme des achats annuels alimentaires – sur l’ensemble des repas, boissons et collations comprises. Pour 100 euros d’achat, au moins 20 euros doivent correspondre à des produits bio ou en conversion et au total au moins 50 euros doivent correspondre à des produits durables et de qualité (bio inclus).
Etat des lieux
Les données d’achat des restaurants, que la restauration de l’établissement soit concédée ou non, demandent à être renseignées sur le site gouvernemental Ma Cantine. Ces données doivent être transmises au moins une fois par an par le responsable du service de restauration de l’établissement. Pour l’instant, il ne s’agit que d’une obligation déclarative sans coercition. Les données sont rendues publiques à des fins statistiques.
Voici un extrait du site Ma Cantine pour les établissements du Rhône dépendant du secteur de la santé pour l’année 2023 dans le département du Rhône avec les résultats des établissements ayant déclaré leurs achats et leurs actions en lien avec Egalim :
Ainsi, sur les 32 établissements concernés dans le Rhône, seuls 14 ont déclaré leurs achats sur Ma Cantine avec des achats à hauteur de 10% de produits durables (objectif Egalim à 50%) dont 2% de Bio (objectif Egalim à 20%). Les autres mesures imposées par Egalim que nous développerons par la suite, ne sont que très peu suivies par ces établissements.
Les objectifs de la loi
Mise en avant et accentuée avec la crise des agriculteurs en Europe en ce début d’année 2024, les objectifs originels de cette loi restent de mise et se voient même renforcés par un poids politique plus important. Les objectifs de cette loi sont les suivants :
- Favoriser une alimentation saine, sûre et durable pour tous
- Renforcer le bien-être animal
- Réduire l’utilisation du plastique dans le domaine alimentaire
- Améliorer les conditions sanitaires et environnementales de production
- Permettre aux agriculteurs d’avoir un revenu digne en répartissant mieux la valeur
Qui est concerné ?
La restauration collective publique d’établissements en charge d’une mission de service public (crèches, écoles maternelles et élémentaires, collèges, lycées, administrations, hôpitaux, EHPAD, pénitenciers), en gestion directe ou concédée à une société de restauration privée.
Les mesures phares de la loi pour la restauration collective
- Les approvisionnements et la qualité des produits
Généralisation des produits de qualité (Article 24 > Art. L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) – décret n°2019-351 du 23 avril 2019) : au plus tard le 1er janvier 2022, les restaurants collectifs en charge d’une mission de service public devront proposer une part au moins égale à 50% (en valeur HT d’achats en €, calculé par année civile) de produits alimentaires qui répondent à au moins un critère des critères de qualité suivants :
20% des produits durables doivent être des produits issus de l’agriculture biologique
NB : Le caractère « local » d’un produit ne répond pas à une définition officielle et ne peut constituer un critère de sélection dans un marché, il n’entre donc pas dans les 50%.
Depuis la promulgation de la loi Climat et Résilience, à partir du 1er janvier 2024, au moins 60% du total achat de la famille de denrées « viandes et poissons » est composé des produits de qualité et durables, ce taux étant fixé à 100% pour la restauration de l’Etat, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales. [2]
La viande de synthèse est interdite en restauration collective. Le 1er janvier 2024, ces dispositions s’appliquent à tous les restaurants collectifs, y compris tous les restaurants d’entreprise (RE et RIE).
2. La diversification des sources de protéines et menus végétariens
(Article 24 > Art. L. 230-5-4 et Art. L230-5-6 du CRPM)
A partir de 200 couverts par jour servis en moyenne sur une année, les gestionnaires des restaurants collectifs à mission de service public sont tenus de présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales dans les repas qu’ils proposent.
Définition du végétarien : repas sans viande, ni poisson, crustacés et fruits de mer. Les alternatives protéiques utilisées sont les légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots…) associées à des céréales (blé, riz, boulgour…), les œufs, et les produits laitiers.
Toutefois, dans les établissements de santé ne proposant pas de choix multiples pour les patients, les menus végétariens ne sont pas obligatoires. Néanmoins, l’introduction dans le plan de menus annuel de protéines végétales est obligatoire.
3. La lutte contre le gaspillage alimentaire
Une étude de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) révèle que le gaspillage alimentaire dans la restauration collective de santé représente 420 millions d’euros de perte par an, soit 230 000 tonnes de repas gâchés sur les 1,5 milliards servis annuellement.
La lutte contre le gaspillage alimentaire (Article 88 > Art. L. 541-15-3 du code de l’environnement) dispose de plusieurs obligations :
- Le gaspillage alimentaire doit être analysé afin d’être réduit
Obligation de faire un diagnostic de gaspillage pour l’ensemble de la restauration collective (y compris privée) et obligation de mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire. La loi AGEC vise une réduction du gaspillage alimentaire de 50% d’ici 2025 par rapport à son niveau de 2015.
- Interdiction de rendre impropre à la consommation les denrées alimentaires encore consommables
L’infraction à cette disposition est susceptible d’une amende de 3 750 €.
- Dons aux associations
Depuis le 22 octobre 2020, les cuisines centrales ou sur place qui préparent plus de 3000 repas par jour ont l’obligation de proposer une convention de dons à une association habilitée.
- Expérimentation de solutions de réservation de repas
Expérimentation consistant à mettre en place une solution de réservation de repas pour adapter le nombre de repas effectivement nécessaire, pour les gestionnaires de services de restauration collective volontaires dont les personnes morales de droit public ont la charge. L’objectif est d’évaluer les effets de solutions de réservation de repas sur le gaspillage alimentaire, la satisfaction des convives et le taux de fréquentation des établissements.
4. La substitution des plastiques
Depuis le 1er janvier 2020 : Interdiction de certains ustensiles plastiques à usage unique (pailles, touillettes…). Interdiction des bouteilles d’eau plate en plastique en restauration collective
Dès le 1er janvier 2025 : Interdiction les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en plastique en restauration collective : structures accueillant des enfants de moins de 6 ans et cantines scolaires (en 2028 pour les communes de moins de 2000 habitants). Cette mesure sera ensuite déployée de manière globale à destination de tous les établissements, publics et privés.
5. L’information des usagers et convives
Cette dernière mesure est la seule qui peut être véritablement coercitive car au-delà de la demande d’information de la part des usagers, la DGCCRF peut contrôler l’affichage obligatoire à mettre en place dans le restaurant et imposer des sanctions et amendes si l’affichage fait défaut. (Article 24 > Art. L. 530-5-3 du CRPM & Article 26 et décret n°2019-325 du 15 avril 2019)
- Les convives doivent être informés une fois par an
Les personnes morales ayant la charge d’un restaurant collectif informent à l’entrée du restaurant, par un affichage permanent, actualisé au moins une fois par an, lisible par tous les usagers et au moins une fois par an par communication électronique, les usagers des restaurants collectifs de la part des produits définis au I de l’article L. 230-5-3 et de la part des produits issus de projets alimentaires territoriaux entrant dans la composition des repas servis.
- Étiquetage détaillé pour toutes les viandes
A compter du 1er mars 2022, l’origine de la viande de porc, volaille, agneau et mouton servie dans tous les restaurants hors domicile (cantines, restaurants commerciaux, restaurants d’entreprises) devra être indiquée, comme cela est le cas pour les viandes bovines depuis 2002. L’étiquetage de l’origine des viandes porcines, ovines et de volaille devra mentionner le pays d’élevage et le pays d’abattage. Cette obligation s’appliquera aux viandes achetées crues par les restaurateurs, qu’il s’agisse de viandes fraîches, réfrigérées, congelées ou surgelées, mais pas aux viandes achetées déjà préparées ou cuisinées (décret n° 2022-65 du 26 janvier 2022 modifiant le décret n° 2002-1465 du 17 décembre 2002 relatif à l’étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration).
Les obligations à ce jour
Dans le cadre de la loi EGAlim, la responsabilité de l’atteinte des objectifs d’approvisionnement incombe au gestionnaire de la restauration (l’acheteur). Ceci démontre la nécessité de mettre en place un suivi des prestations, qui porte non seulement sur la structure des prestations mais aussi sur la nature des produits composant les repas, en quantité et en qualité (suivi à définir et à mettre en œuvre avec le prestataire en cas de gestion déléguée).
Les pièces du marché doivent faire état du besoin de l’acheteur et du suivi qui sera mis en œuvre pour vérifier l’atteinte des objectifs de la loi et des spécifications du marché. Il est important de penser à intégrer au contrat des clauses de suivi régulier des approvisionnements dans les contrats avec les prestataires de restauration.
Extrait ci-dessous d’éléments explicatifs sur l’intégration des données d’approvisionnements sur la base gouvernementale Ma Cantine :
Combien ça coûte ?
Au-delà du respect stricto sensu de la loi et des approvisionnements qualitatifs, il est nécessaire d’étudier les adaptations liées aux objectifs fixés en termes d’intégration de produits ciblés par la loi EGAlim, en fonction des prestations demandées. Par exemple, si la production de repas se réalise dans une cuisine non déléguée et que l’on souhaite intégrer des denrées bio, de saison et brutes, il faut s’assurer d’avoir les équipements nécessaires pour leur traitement ou envisager des investissements.
Le recours à des produits bruts, si ce n’était pas le cas avant, a également des incidences sur l’organisation du travail des équipes qu’il convient de redéfinir et de ne pas mésestimer, si les agents font partie de la structure (formations à prévoir, etc…).
Par ailleurs, si la restauration est en auto-gestion, il est nécessaire de prévoir l’intervention d’un spécialiste, chargé de la mission de mise en place de la loi EGAlim :
– Les fichiers de suivi des approvisionnements de produits qualitatifs
– La communication et la sensibilisation (campagne de l’ADEME ou du Gouvernement)
– L’affichage réglementaire (provenance, composition…)
Il faut compter un surcoût d’environ 30% à l’achat pour les produits labélisés, qui peut être compensé par :
– Une révision des fiches recettes car si la qualité prévaut sur la quantité, une cuisine avec des aliments de meilleure qualité peut permettre de garantir le maintien de l’apport nutritionnel recommandé en achetant une quantité moindre
– La réduction des coûts liés au gaspillage alimentaire et au traitement des biodéchets
Autres coûts à prendre en compte :
Éventuelle mission d’accompagnement à la conduite du changement ou à la gestion de projet (entre 5000 et 25000 euros selon la taille des structures et le temps alloué demandé)
Table de tri entre 300 et 5000 euros (si pesée embarquée).
Quelles sanctions en cas de non-respect ?
Les lois EGAlim et Climat et Résilience ne sont pour l’instant pas de lois coercitives. Pour autant, depuis la dernière crise agricole, le Gouvernement a annoncé une forte augmentation des contrôles qui toucheront avant toute chose, non pas les établissements qui n’atteignent pas les objectifs de ces lois, mais avant tout, ceux qui ne déclarent rien. C’est donc bien la déclaration qui est obligatoire et de la responsabilité du Chef d’établissement et non pas l’atteinte des objectifs (pour l’instant).
Il faut par ailleurs prendre en compte des sanctions « indirectes » au non-respect de ces lois :
– Contrôle social : la nécessité d’information des convives au moins une fois par an sur la qualité des approvisionnements et la fabrication des repas peut avoir de lourdes répercussions pour l’établissement dès lors que celle-ci n’est pas mise en œuvre.
– Réputation de l’établissement : si les défaillances sont mises au jour, cela peut entraîner des retombées négatives sur la réputation publique. Cela peut aussi avoir des conséquences sur la confiance des partenaires commerciaux et des parties-prenantes en général.
– Exclusion de certains marchés : les manquements graves à la loi EGAlim peuvent entraîner des sanctions administratives, telles que l’exclusion temporaire ou définitive de la participation à certains marchés publics.
[1] Extrait du site Ma Cantine : Nos cantines – ma cantine (agriculture.gouv.fr)
[2] Les mesures de la loi EGAlim, complétée par la loi Climat et résilience concernant la restauration collective CONSEIL NATIONAL DE LA RESTAURATION COLLECTIVE, Septembre 2022